intervention SUD sur l'Innovation au CSEC en mai 2025


Pour SUD, le rapport met en lumière une innovation délocalisée et une recherche précarisée : serait-ce une chronique d’un saccage programmé ?

Quand la technique s’émancipe de l’humain, elle n’engendre pas le progrès : elle engendre le pouvoir. — Jacques Ellul

Ce document n’est pas simplement un rapport : c’est l’autopsie d’un projet d’innovation sans travailleurs, d’une croissance sans recherche, et d’une gouvernance sans démocratie.

Sud y voit une désertion sociale déguisée en stratégie.

Ce rapport révèle l’ampleur d’une saignée sociale orchestrée avec précision : -13,3 % d’effectifs en France d’ici 2026, tandis que les sites à bas coût à l’étranger (Inde, Tunisie, Roumanie) absorbent les activités. Ce n’est plus une tendance, c’est une doctrine.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Des baisses continues, depuis 2020, témoignant d’une érosion méthodique de l’emploi national.
  • 21 recrutements externes en 2024, l’équivalant d’un coup d’éponge sur une hémorragie.

Le travail se déplace, mais la dignité reste sur le quai.

Le risque ? : une logique comptable dénuée de toute perspective humaine. On réduit l’emploi ici, on sous-paye ailleurs, et on appelle cela “efficacité globale”. Cette contraction touche en plein cœur les métiers de l’innovation : Cloud, Data, IA, Sécurité. C’est l’innovation qui se vide de ses innovateurs.

De plus SUD souligne que le rapport démontre une illusion de la neutralité budgétaire.

« On » nous fait croire à une stabilité — 612 M€ en 2024 — mais ce n’est qu’un miroir sans tain.

En réalité, la coupe s’annonce sévère : -6,9 % de budget en 2025, -15,7 % pour la recherche, -13,9 % pour Data & IA. Où est le “pari sur l’avenir” dans cette stratégie d’austérité persistante ?

Les chiffres sont têtus :

  • Le budget innovation a chuté de 29 % depuis 2009.
  • Les filiales étrangères gagnent 7 % de budget, tandis que les entités françaises perdent plus de 50 % en six ans.
  • Le Crédit Impôt Recherche est “optimisé”, mais à quel prix ? Des projets sacrifiés, des équipes fragilisées, des vocations découragées.

Sud remarque que le rapport concernant la Recherche annonce un grand abandon.

La recherche, mère de toute innovation durable, est reléguée au second plan, considérée comme une charge plutôt qu’un investissement.

  • Moins de 13 % du budget Innovation lui est consacré en 2025.
  • Les sujets d’avenir — quantique, jumeaux numériques, standardisation — sont réduits à la portion congrue.
  • Le doctorat, bac +8 reste sous-classés au niveau E, sans reconnaissance de la convention collective ou les rappels du Ministère de la Recherche.
  • Une société qui ne reconnaît pas ses chercheurs renonce à comprendre le monde qu’elle fabrique.

SUD constate que l’IA est annoncée par le Groupe comme une rupture technologique sans cap humain.

L’IA générative bouleverse nos métiers et notre rapport à la connaissance. Mais que nous propose-t-on ?

  • Un budget en baisse,
  • Une formation réduite de 20 %,
  • Une acculturation expédiée sous contrainte.

Comment croire à une transformation positive sans moyens ni temps ? L’IA sans démocratie, sans réflexion partagée, c’est la domination d’un outil sur des consciences non préparées. On nous parle de rupture, de compétitivité, mais où est passée la frugalité technologique ? Celle qui respecte les ressources, le sens et les limites humaines ?

L’IA génère du texte, des images, des données — mais pas de confiance, pas de dialogue, pas d’engagement. Pendant que les budgets Data & IA fondent, que les temps de formation sont rognés, c’est le cœur même de notre modèle qui se dégrade.

L’entreprise se lance dans l’IA comme on entre en religion : sans débat, sans garde-fous.

Nos collègues alertent sur :

  • La surcharge et le stress,
  • Le manque de sens des projets IA, pilotés uniquement par des indicateurs financiers, et les suppressions de poste.
  • La peur de devenir de simples “utilisateurs de modèles” sans compréhension ni maîtrise.

La souveraineté des données ? Un slogan vide. Nos serveurs calculent, nos API répliquent, mais à qui appartiennent les données d’apprentissage ? Le flou alimente la défiance.

Ce que nous exigeons : un réveil, pas un repli.

Nous, représentants des salariés, n’acceptons pas cette trajectoire de précarisation,, déguisée en optimisation. Nous refusons que l’innovation devienne un argument pour licencier, délocaliser, dévitaliser.

Le progrès technique sans progrès humain n’est qu’une accélération vers l’inconnu. — Jacques Ellul

En conclusion, SUD rappelle que l’innovation, la Recherche, ne peut être qu’humaine.

Ce rapport n’est pas un bilan, mais un signal d’alarme. À force de supprimer des postes, d’appauvrir la recherche et de déshumaniser la gouvernance, c’est le sens du travail qui s’effondre.

L’entreprise n’a pas besoin d’une optimisation comptable. Elle a besoin d’un cap, d’un horizon.

Il est temps de sortir du déni.

cse