CSE de janvier 2024, intervention et question SUD à l'attention de Bruno Zerbib


Monsieur Zerbib, permettez-nous pour commencer un compliment de la part de la délégation SUD :

Pour vous avoir entendu vous exprimer à plusieurs reprises, nous vous reconnaissons un discours plus direct, avec moins de langue de bois que vos prédécesseurs, ainsi qu’une certaine vision stratégique.

Cela étant, je vous concède que l’on revient de loin, de très très loin même.

Mais il demeure néanmoins quelques traces malignes, un exemple pioché dans votre présentation :

Je cite : « L’innovation disruptive nécessite un nouvel ADN de l’innovation ».

La vacuité de ce type de phrases valises laisse toujours un sentiment d’étourdissement et de désarrois.

Ne parlons même pas du concept de disruption, cher à notre monarque, mais déjà désuet à peine évoqué, comme tout le reste.

Mais qu’est-ce exactement que « le nouvel ADN de l’innovation » à par un assemblage de mots cools qui sonnent bien ?

Au sujet de vos « Value Streams »…

Encore et encore et encore cet anglicisme ridicule contre lequel on peste depuis des années en vain dans cette instance.

Je renvoie la direction aux procès verbaux de 4 années passées pour ne parler que de celles-là.

Vous ferez une recherche avec les mots « Chevalier, Sébille, Decaen, Loi Toubon » et vous trouverez une littérature édifiante mais apparemment elle aussi totalement vaine.

Encore une fois, saupoudrer quelques mots d’anglais au détour d’une phrase ne suffit pas à la rendre innovante et son auteur génial.

Mais l’inverse n’est pas à exclure.

A quel moment allons-nous nous rendre compte que l’IA, qui n’existe nulle part dans sa définition stricte, va rejoindre les NFT, le Métaverse, les cryptomonnaies et tant d’autres marottes dans le cimetière des technologiques éphémères à la mode.

Les IA n’ont d’intelligence que le nom que leurs créateurs mégalomanes et les commentateurs bêlant leur donnent.

Vos « IA » sont bêtes à bouffer du foin car n’ont rien d’intelligentes, on a dévoyé une fois de plus le sens des mots.

On joue sur la confusion, il vaudrait mieux parler d’apprentissage profond permettant aux machines d’apprendre à tirer des enseignements des données et à s’améliorer avec l’expérience, au lieu d’être explicitement programmées pour le faire.

Ce sont des outils fabuleux, mais à aucun moment des intelligences artificielles.

Effectivement je vous l’accorde, apprentissage profond est moins claquant qu’IA.

Il manque ce petit côté Spielberg, Skynet ou HAL-9000 si cher à notre pop culture.

Mais revenons à votre présentation.

Confirmez-vous vouloir de nouveau « casser les silos et les E2E » alors que Mr Koen Vermeulen vient juste de les remettre en place dans la dernière réorganisation IT-S qu’il a fait subir aux salariés d’INNOVation ?

Avez-vous vu le film avec Bill Murray « le jour de la marmotte » autrement nommé « un jour sans fin » ?

C’est exactement ce que vivent les salariés d’Orange INNOVation depuis des années et des années dans ce flux de réorganisations perpétuelles et de désorganisation à perpétuité.

Vous proposez de faire évoluer les métiers en faisant du développement des compétences via des parcours de formation, noble déclaration de principe, comment ne pas être d’accord?

Mais derrière, quelle assurance ont les salariés concernés d’obtenir un poste en adéquation avec les nouvelles compétences acquises ?

Il n’y a rien de bien neuf dans votre présentation par rapport à ce qui a déjà été montré aux salariés en novembre / octobre, voir dans d’autres instances.

SUD estime utile de rappeler à la direction qu’elle est en train de réinventer l’eau chaude en termes d’organisation.

La collaboration entre R&D, marketing et unités d’affaire, cela existait déjà il y a 15 ans et ça s’appelait les projets 3P.

France Télécom avait-il 15 ans d’avance sur le groupe Orange version 2024 ?

Qu’est-ce qui explique que ce modèle a été abandonné puis revienne à la mode ?

Qu’est-ce qui a réellement changé dans notre environnement et notre stratégie ?

Vos 4 « value streams » ne font que reformuler des actions ou des programmes déjà existants, il n’y a rien de neuf.

Notamment à network, « Telco as a platform » est déjà en place.

Vous n’apportez donc aujourd’hui aucune plus-value en termes de priorisation des activités ou de rupture par rapport à l’existant.

On a de plus beaucoup de mal à comprendre comment cela s’articule concrètement dans votre esprit, par exemple, comment vont se gérer les appartenances ?

On aurait également pu s’attendre à un flux de valeur qui bouscule l’existant sur la conception des services avec une meilleur prise en compte de l’empreinte environnementale.

Mais nous reviendrons plus tard sur l’aspect environnemental de votre présentation.

Le flux de valeur « New Calling » pose également questions :

  • Pourquoi ce nom ?
    • Rappelons que c’est le nom du projet chinois pour le futur de l’IMS et de la 5G.
    • S’agit-il d’un alignement complet sur ce projet ?
    • Est-ce un retour des partenariats avec Huawei ?
  • Le nom a d’ailleurs évolué depuis le lancement.
  • On a eu droit depuis à «Future Home Connectivity », puis à « New Retail Connectivity».
  • Cela reflète-t-il une évolution de la nature et de l’objectif de ce flux de valeur ?

Toujours dans votre présentation, la taille (et donc certainement les ressources humaines associées) des flux de valeur n’est pas précisée.

Il semble que c’est très variable, entre « Telco as a PF » qui mobilise déjà quasiment tout Network, et les trois autres qui touchent moins d’équipes.

Nous aurions pu nous attendre à plus de détails à ce sujet…

Les pages sur les aspects RH ne contiennent aucune réelle annonce de changement par rapport à l’existant

  • Toujours plus avec moins de monde car aucune annonce de recrutements sur les métiers prioritaires de la sécurité ou de l’IA.
  • Mêmes métiers en hausse, stables ou à la baisse
  • Les compétences environnementales sont certes identifiées dans les 10 « hard skills » ou comme faisant l’objet de montées en compétences.
  • Mais aucune identification d’un programme dédié de formation ou de recrutement, pourtant bien nécessaire.

Mais là où l’on peut constater un vide abyssal dans votre présentation, c’est dans la non prise en compte des questions environnementales.

Vous faites comme si toute l’optimisation que vous souhaitez développer, allait comme par magie répondre et contribuer par eux même aux objectifs de réduction de l’empreinte carbone d’Orange définis par « Lead the Future ».

SUD vous rappelle tout de même que ces derniers sont extrêmement ambitieux :

Une division par deux par rapport à 2018 en 2030, puis une baisse de 90% pour 2040.

Ce alors même que notre « scope 3 » est en augmentation, et que nous savons qu’il va y avoir de fortes tensions sur les matières premières (germanium, cuivre, etc…).

SUD relève également que le sigle RSE n’apparaît qu’une fois dans votre présentation, et encore, écrit en tout petit parmi les « hardskills » en page 12.

Autre question :

Alors que vous vous engouffrez à tombeau ouvert dans vos soi-disant « IA » que vous accommodez à toutes les sauces, à aucun moment vous ne semblez-vous interroger sur l’effet rebond que cela va engendrer.

Vous semblez partir du postulat, totalement erroné à notre avis, que se faisant, nous allons tout optimiser et que mécaniquement cela va également contribuer à l’efficacité énergie/matières, ce constat est faux jusqu’à preuve du contraire.

Et fin, veuillez nous excuser, mais votre présentation semble présenter de fortes vapeurs néolibérales technophiles.

On y perçoit même des relents de « techno-solutionnisme », cette idéologie qui hypothèque le présent ainsi que le futur pour la croyance et le saut dans l’aléatoire.

Cette nouvelle religion technophile croit en la capacité qu’on les nouvelles technologies à résoudre la totalité des grands problèmes du monde actuel, comme la maladie, la pollution, la faim ou la mort elle-même.

Je finirai sur votre terme « job », en France il n’y a pas de « job », mais des métiers et des emplois.

Et attention, la différence ne se situe pas juste au niveau de la langue ou de la traduction d’un mot.

La différence est conceptuelle, voir même, dans la vision que l’on a du monde du travail et de la société dans laquelle on souhaite vivre.

En France il y a une différence entre un « job » d’été, des « jobs » d’étudiant, un « job » temporaire, 2 ou 3 « jobs » que l’on empile pour survivre aux fins de mois difficiles et un salarié qui a un emploi stable, un métier, une profession pour lesquels il est compétent, formé et correctement rémunéré.

En vous remerciant de répondre à toutes ces interrogations des salariés d’INNOVation.

cse